Rédiger
De simples mots-clés à la monographie, en passant par la légende,
la notice, le catalogue... le but de l’iconographie est bien de
traduire en mots le contenu d'une image. Cela passe par la rédaction
d’un texte, différent selon le but poursuivi et le public visé. Face à
une image, il peut y avoir un travail de catalogage, d’indexation,
d’information, de critique... Des démarches qu’il ne faut pas
confondre.
Le catalogage ne concerne qu'en partie l'iconographie, mais constitue la base de toute autre démarche.
La légende et la notice sont pleinement du ressort de l'iconographie.
L'indexation (mots-clés...) ne dépend pas de l'iconographe, mais doit utiliser son travail.
La critique d'art est du ressort de l'esthétique.
Soit, par exemple, ce tableau de Rubens.
• Le catalogage :
C'est la « description des caractéristiques extérieures spécifiques d’un document. » (Serge Cacaly (dir.), Dictionnaire encyclopédique de l’information et de la documentation, Paris : Nathan, 2001, p. 110)
Il se distingue de l'inventaire, qui liste les œuvres par ordre
d'acquisition, et qui n'est pas du ressort de l'iconographie. Le
catalogue va donc transmettre les références, les métadonnées,
l'ensemble des indications permettant d’identifier l’œuvre et de la
localiser (description physique) mais propose aussi une notice qui en
résume le contenu. Cela ne peut se faire que de façon structurée et
standardisée. Problème : beaucoup de catalogues fondés sur d'anciens
inventaires, eux-mêmes recopiant des registres précédents (pouvant
remonter à l'époque médiévale pour les plus anciens !) ont introduit
des méthodes différentes.
Première règle : si l'on complète un catalogue, conserver sa structure.
Il n'y a rien de pire qu'un catalogue qui change de méthodologie à
chaque rédacteur. Si l'on souhaite inscrire un catalogue dans une base
de données plus large (au moment de son informatisation, par exemple),
il faut une refonte totale.
La normalisation du catalogage vient du monde du livre. L’International Federation of Library Associations and Institutions (IFLA) a mis au point en 1971 l’International standard bibliographic description (ISBD), description bibliographique internationale normalisée, complétée en 1977 par l’ISBD (NBM) (International Standard Bibliographic Description for Non-Book Materials).
Cette norme a été adaptée en France par l’Association française de
normalisation (AFNOR) en septembre 1997 (Normes de catalogage,
Saint-Denis : AFNOR, 2005, t. II, p. 291-469). Ces normes sont régulièrement actualisées.
Cette norme a été critiquée parce qu'elle a été créée par rapport au
livre, mais dès l'origine elle entend rendre compte des images fixes en
deux dimensions sur support mobile (estampes, photographies, affiches,
dessins, mais non, par exemple, les fresques). La peinture sur toile
semble donc de son domaine, même si elle ne le mentionne pas ! Tout y
est standardisé : l’ordre des indications (en huit zones), la
ponctuation, l’emploi des majuscules, les abréviations...
Le catalogage
est du ressort de l'histoire de l'art plus que de l'iconographie. Mais
ses données sont indispensables à la contextualisation de l'œuvre, donc
à toute démarche iconographique sérieuse.
Les huit zones à remplir seront :
Zone du titre et de la mention de responsabilité (œuvre et auteur) ;
Zone de l’édition, du tirage ou de l’état (édition) ;
Zone particulière à certains documents ;
Zone de l’adresse (diffuseur, date d’édition...)
Zone de la description matérielle (type de document, caractéristiques techniques, format...)
Zone de collection éditoriale et de l’ensemble éditorial
Zone des notes (histoire bibliographique, contenu, notes...)
Zone d’identification et du prix
La notice prendra donc la
forme suivant : Œuvre [type : facultatif sauf si détail, panneau de
polyptyque...]. – Prénom et nom de l’artiste. – date. – Éditeur et date
si nécessaire – Technique et support ; dimensions (hauteur x largeur).
– (références de la collection ou de l’ensemble). – Notes, lieux de
conservation, numéro d’identification (inventaire), propriété
intellectuelle (Nom du photographe ou de l’agence)...
Soit :
[La Félicité de la régence]
[Image fixe]. – Pierre-Paul Rubens. – 1625. – peint. : huile sur toile
; 394 x 295 cm. – (cycle de Marie de Médicis). – Paris : Musée du
Louvre, Galerie Médicis, Inv. 1783. – © Musée du Louvre/A. Dequier - M.
Bard. Le titre d’usage est le plus usité dans les catalogues depuis le
XIXe siècle. Rubens parle dans sa correspondance des « splendeurs de sa
régence » ( « Lettre à N .-Cl. de Pereisc », in : Correspondance, trad. Paul Colin, Paris : Crès, 1927, vol. II, p. 14).
• La légende
C'est un brève explication (deux lignes) à placer sous la reproduction
pour orienter la lecture de l’œuvre, le plus souvent dans un livre. La
légende est donc fonction de la problématique générale du livre, mais ne peut pour autant se permettre une interprétation partisane ou erronée de l’œuvre. Elle dépend toujours d'un contexte. Elle peut se permettre d'être moins précise sur les éléments de catalogage dans la mesure où le crédit
est prévu en fin d'ouvrage. Il va de soi que si une page de crédit
n'est pas prévue, la légende devra mentionner ces éléments
(localisation, droits de reproduction etc.)
On peut donc distinguer plusieurs types de légendes, selon le but qu'on leur assigne :
- Dénotative (elle donne les références de l'œuvre de façon succincte)
- Descriptive (elle identifie des éléments, donne un itinéraire de lecture…)
- Explicative (elle propose une interprétation)
- Récapitulative (elle résume les propos d’un livre…)
- Informative (elle donne des éléments non contenus dans l’illustration)
- De connivence (crée une complicité, lyrique, humoristique…)
Le choix d'un type de légende ou d'un autre dépend essentiellement du contexte dans lequel elle prend place. Par exemple :
- Dénotative : dans un livre sur Rubens : Félicité de la Régence, 1625, Paris, Musée du Louvre.
Il va de soi que dans un livre qui n'est pas spécifiquement consacré à
Rubens, ou qui contient des œuvres d'autres artistes, le nom du peintre
devra apparaître en premier !
- Descriptive : dans une Histoire de France : Scène allégorique représentant le bon gouvernement de Marie de Médicis (Rubens, Félicité de la Régence, 1625).
- Explicative: dans un livre sur les représentations de l’âge d’or : La protection accordée aux arts assure à la France un nouvel Âge d’or et une renommée éternelle (Rubens, Félicité de la Régence, 1625)
- Récapitulative : dans un livre sur la vie de Marie de Médicis : La régence, même si elle a mécontenté la noblesse française,
a été une période de paix. La reine a tenu à le rappeler dans une
commande à Rubens : les sujets des tableaux y sont définis "selon
l’invention de Sa Majesté" (Rubens, Félicité de la Régence, 1625).
- Informative : dans une monographie sur Rubens : Félicité de la Régence, 1625.
Le projet initial, la retraite de Marie de Médicis de Paris à Blois
en 1617, a été abandonné, jugé peu flatteur dans un ensemble célébrant
le retour de la reine à Paris après sa réconciliation avec Louis XIII.
- De connivence : dans un livre de vulgarisation sur la peinture au XVIIe siècle : Pour représenter le
bon gouvernement de Marie de Médicis, Rubens fait poser la reine en
Vertu, un sein dénudé. Représentation idéalisée : elle a alors 53 ans.
Il est donc légitime d'adapter une légende au contenu du livre, au
ton, au public visé... Pour autant, il ne faut pas trahir l'esprit de
l'œuvre pour l'adapter à un contexte qui ne lui convient pas. Un
minimum de prudence, pour ne pas parler d'honnêteté, s'impose dans le
choix des illustrations.
Exemple d’exploitation abusive : Dans l'Histoire de la famille (Paris : Armand Colin, 1986, t. I, p. 387), l'amour courtois est illustré par ce sceau :
avec le légende suivante : "Sceau-matrice
de Raymond de Mondragon (vers 1200). L'hommage à la dame. L'amour
courtois, toujours adultère, ne risque-t-il pas de briser l'idéal de la
famille ? Paris, Archives nationale."
Notons que l'hommage à la dame se fait ici... à un homme, vêtu d'une tunique longue (bliaut)
commune dans l'aristocratie du XIIe siècle. Il reçoit l'hommage d'un
vassal. Il est peu crédible qu'un personnage important, grand baron de
Provence, se soit représenté avec sa maîtresse sur un sceau officiel !
Enfin, si l'hommage à la dame copie effectivement les formes de
l'hommage vassalique, un élément n'est pas compatible avec une
déclaration d'amour : le bâton que les deux hommes tiennent entre leurs
mains, symbole de la terre confiée au vassal.
Exemple d'extension tolérable mais insuffisante : Dans Le compagnonnage en France et en Europe (Paris : Garry, 1973, t. III, p. 94), la grève est illustrée par la gravure suivante :
avec la légende suivante : "Maçons et charpentiers faisant la grève (Allemagne, 1494)".
La gravure est tirée de Sébastien Brant, La Nef des fous, Bâle : Bergmann d’Olpe, 1494, chap. XV, « Des projets insensés », ce qui aurait dû être précisé. Elle illustre l’imprévoyance des entrepreneurs qui n’ont plus d’argent pour achever leur projet. Il
s’agit bien d’un conflit social, mais la notion de grève est
anachronique et la motivation du départ (définitif) des ouvriers a des
motivations spécifiques. La légende aurait dû le préciser. Vu la rareté
d'illustrations anciennes sur le sujet, on peut accepter l'utilisation
de cette gravure. Par honnêteté, il faut alors le signaler : "Les
conflits sociaux ne datent pas d'hier : ici, des ouvriers quittent le
chantier parce que leur entrepreneur ne peut plus les payer (Sébastien Brant, La Nef des fous, 1494)"
Exemple d'extension légitime : Dans Le Tour de France médiéval de Georges et Régine Pernoud (Paris : Stock, 1982, p. 157), la vie seigneuriale au Moyen Âge est illustrée par cette initiale ornée :
avec cette légende : "Initiale
ornée qui représente le roi David sous l'aspect d'un chevalier du XIe
siècle (1100 environ) vêtu d'un manteau doublé de vair partant pour la
chasse au faucon. Dijon, bibliothèque municipale". L’utilisation du roi
David (XIe s. av. J.-C.) est certes anachronique, mais les vêtements qu’il
porte sont bien ceux du XIe siècle (après J.-C. !) et la précision prévient tout
malentendu.
• La notice
Explication placée à proximité ou non de l’œuvre (ou de sa
reproduction), par exemple sur un cartel dans une exposition, dans un catalogue sous les références... Sa longueur peut varier de quelques lignes (notice
pour une exposition) à plusieurs pages (notice pour un catalogue). Elle
est fonction de la problématique du livre ou de l’exposition, mais
prend le temps de présenter une vision neutre et cohérente de l’œuvre.
Outre l’iconographie, elle peut donner des indications de critique
artistique ou d’histoire de l’art.
Notice du tableau dans le catalogue du Louvre :
« Tableau d'exception dans le cycle, car d'un esprit tout
allégorique et non plus seulement historico-narratif. De fait, il
remplaça à la hâte en 1625 un sujet jugé trop délicat, la retraite de
la reine de Paris à Blois, après le meurtre de Concini en 1617
(esquisse à Munich). D'où un remaniement dans l'ordre du cycle qui se
veut résolument chronologique, même à travers le discours allégorique.
Selon Rubens lui-même qui en parle dans sa Correspondance, le nouveau
tableau de la Félicité de la régence évoque les bienfaits de la régence
de Marie, notamment l'état florissant des arts sous son brillant règne,
dans une complexe fusion allégorique de la Justice (la reine en figure
de la Justice) et du Bon Gouvernement. Sur la gauche, la France et
Saturne (le Temps) qui introduit un nouvel âge d'or. En bas, incarnés
par de petits Amours, les Beaux-Arts, protégés et favorisés par la
reine (cf. INV. 1771), triomphent de leurs habituels ennemis
(Ignorance, Médisance, Envie). »
• Indexation : les mots-clés, descripteurs, marqueurs...
Mots ou expressions exprimant un thème, un sujet, un motif, une
caractéristique de la figuration et destinés à faciliter la recherche.
Les mots-clés ont pour vocation à être regroupés dans des bases de
données imprimées (index) ou informatisées. Ils sont choisis par le
chercheur ou se conforment à une classification traditionnelle. Ils
doivent être choisis avec pertinence (en fonction du sujet étudié) et
modération (leur multiplication peut entraîné du bruit, un excès
d'information rendant la recherche pénible).
Les marqueurs (tags) sont en revanche générés par la consultation des internautes.
Exemples de mots-clés :
Rubens, Marie de Médicis, Bon Gouvernement, Régence, France, Justice,
Renommée, Minerve, Saturne, Prospérité, Prudence, Arts (Peinture,
Musique, Littérature), Médisance, Envie, Ignorance…
Dans un livre sur les attributs d'allégories, il faudra ajouter
balance, sceptre, serpent, faux... qui encombreraient une étude plus
générale.