La carte du monde

          Dans la vision scientifique du moyen âge, héritée pour une large part de l'antiquité, la terre est reconnue sphérique (même si, dans la conception courante, il est probable qu'on l'imagine plate). Mais les cartes médiévales ne représentent le plus souvent que la partie connue et habitée, l'oecoumène (Oikoi), soit un quart de la surface terrestre. Cette partie est représentée sous forme d'un disque, d'une lentille, d'un rectangle (éventuellement aux côtés arrondis) selon les divisions adoptées.

• Si l'on divise la sphère en quatre "quartiers", on obtient une forme oblongue, lenticulaire, le plus souvent représentés sous forme circulaire, car "nature et raison" requièrent que le monde soit rond. "Et pour ce entendez de cest quartier ausi comme se il fust touz arreondiz" (Gossouin de Metz). A l'opposé de cette partie connue, une autre partie est aussi habitée, mais inconnue : les antipodes.

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• Si l'on divise la terre en zones parallèles (selon la vision de Macrobe, au Ve siècle, mais surtout dans les cartes du XIIIe-XVe siècle, et dans les cartes dites de Ptolémée, à la fin du XVe siècle), l'oecoumène (partie connue et habitée) prend la forme d'un rectangle, aux côtés arrondis dans les cartes de Ptolémée.
 

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          Les cartes de la terre peuvent représenter la totalité des zones (cartes dites "hémisphériques") ou seulement la zone connue (cartes dite "oecouméniques"). Des cartes intermédiaires (dans les manuscrits de Beatus de Liébana) intègrent dans une carte oecouménique une étroite bande représentant les antipodes. Elles sont rares (13 connues) et limitées à un seul type de manuscrit.

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          Les cartes oecouméniques (les plus fréquentes) sont le plus souvent divisées en trois grands continents selon un sstème dit "en OT" (ou "en TO").
L'origine des cartes en TO est intertestamentaire. On les trouve à partir du VIIIe siècle dans les manuscrits d'Isidore de Séville et de Bède, et elles resteront inchangées jusqu'au XVe siècle.

          Le cercle figure la lettre O, les divisions intérieures la lettre T. Ainsi la carte de la terre corrspond-elle à son nom, Orbis Terrarum (le cercle des terres, expression d'Isaïe).
          La carte est "orientée" (l'orient, l'est, est au-dessus, par opposition à nos cartes modernes, qui placent le nord au-dessus). La partie supérieure (moitié de l'espace habité) représente donc l'Asie. Le quart inférieur gauche (vers le nord-ouest) représente l'Europe; le quart inférieur droit (vers le sud-ouest) l'Afrique.
          Entre l'Afrique et l'Europe, la hampe du T représente la Méditerranée. Entre l'Asie et l'Europe, la partie gauche de la traverse du T représente le Don (Tanaïs); entre l'Afrique et l'Asie, la partie droite de cette traverse représente le Nil. Ainsi, le TO représente le système hydrographique de la terre : Océan (le O), Méditerranée, Don, Nil (T).
          Au centre, il y a Jérusalem (depuis 1110), et plus précisément le Temple, et plus précisément l'autel des Holocaustes (cf Jg 9, 37; Ez 38, 12). Le centre de la terre est relié, comme par un cordon ombilical, au centre des cieux, l'étoile polaire, par une échelle cosmique, un arbre cosmique, qui est l'arbre de vie, l'échelle de Jacob, la croix du Christ. Elles sont "orientées", l'Est au-dessus (à l'inverse des cartes arabes, qui mettent le sud au dessus, pour que la Mecque soit le sommet du monde).
          Cette division en trois continents vient du Livre des jubilés  (intertestamentaire, 167-140 A.C.N.) : Dieu partage la terre en trois pour les trois fils de Noé; il donne à Sem la meilleure part, limitée par le Don et le Nil, qui contient le Paradis, Sion (centre du monde), le Sinaï (centre du Désert, où Moïse a reçu les lois). Sur certaines cartes, les fils de Noé prennent la place des continents.
          Le paradis est à l'Orient depuis le Livre des jubilés ; les quatre fleuves (Gihon, Pishon, Tigre et Euphrate)qui y prennent source passent sous l'océan et ressurgissent à leurs sources respectives.
          La terre est aussi le corps du Christ, et le Christ, l'image de l'homme. La terre est identifiée à la nature humaine du Christ : de la même façon que le monde est son corps divin, la terre est identifiée à son corps, rond, avec la tête à l'est, les mains au nord et au sud, les pieds à l'ouest. Jérusalem est son nombril.
          Le corps de Dieu correspond aussi au corps d'Adam (image de Dieu) (Cf. II Hén XXX, texte long, et livres sybillins, III). Le nom d'Adam est en effet constitué des quatre lettres correspondant aux points cardinaux. Adam est comme le plérôme en son nom :

Anatole (est)
Dysis (ouest)
Arctos (nord)
Mesembria (midi)

          De la même façon que le corps du Christ est écartelé sur le croix, le monde rond est écartelé par les quatre points cardinaux, les quatre grands vents.

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          L'orbe est le globe que tiennent en main le Christ et l'empereur, pour signifier leur pouvoir sur le monde. Il représente parfois le cosmos, parfois la terre. Division en trois par la croix soutenue par une armature.
 
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