La fusion des ciels

Franz Georg Hermann, Les sept planètes, fresque (1721-1723),
Füßen, abbaye Saint-Magnus, plafond de la salle impériale.
• Thème lié à l'article : Le ciel en peinture

Füßen

           Au moins quatre visions distinctes du ciel se retrouvent dans l’art depuis l’antiquité :
- le ciel physique, visible, sensible (accessible par les sens) : celui que nous voyons, qui forme le fond du paysage, traditionnellement bleu par beau temps. Il peut prendre une dimension symbolique s'il est clair ou s'il se couvre.
- le ciel spirituel, ou mystique, qui traduit les conceptions religieuses, baigné de lumière surcéleste, le plus souvent doré.
- le ciel scientifique, qui traduit les conceptions des astronomes et dont la représentation change en fonction des connaissances de l'époque
- le ciel allégorique, qui peuple l'espace célest de personnages fictifs, en général empruntés à la mythologie antique. Selon la religion des artistes (et / ou du spectateur !), un ciel peuplé de dieux peut être considéré comme spirituel (s'il y croit) ou allégorique (s'il n'y croit pas).
          On peut trouver deux ciels représentés conjointement dans un tableau, une fresque... À l'abbaye de Füßen, un plafond parvient à associer habilement les quatre visions du ciel : il est à la fois physique, allégorique, mystique et scientifique.
          Il s'agit d'abord d'un ciel physique, d'un bleu caractéristique dû à la "diffusion de Rayleigh" (les particules de l'atmosphère diffusant principalement les longueurs d'onde les plus courtes) et couverts de nuages pénétrant dans le salon par un effet de trompe-l'œil familier à l'art baroque. Les nuages les plus bas sont les plus sombres, ce qui crée un effet de profondeur, mais qui peut aussi prendre un sens symbolique : les dangers les plus menaçants pesant sur les hommes.
          Mais c'est aussi, et de façon plus évidente, un ciel allégorique, peuplé de divinités antiques incarnant les planètes. Dans l'ordre classique, nous repérons :
Lune
La Lune (Diane), reconnaissable au croissant qui  lui sert de diadème

Mercure
Mercure, avec son pétase (ici sous forme de casque) ailé et son caducée

Vénus
Vénus avec son fils Cupidon (arc et flèches)

Soleil
Le Soleil (Apollon) rayonnant, tenant le sceptre du pouvoir.
À noter que le soleil est féminin en allemand (die Sonne) ce qui explique la féminisation de l'allégorie

Mars

Mars en guerrier armé

Jupiter
Jupiter, couronné, avec son aigle et tenant ses foudres

Saturne
Saturne, ailé, avec sa faux

Les sept dieux siègent sur des nuages, mais dans un palais dont la voûte est soutenue par des colonnes en trompe-l'œil, qui semblent reposer sur la corniche elle aussi en tromp-l'œil du plafond. Une Renommée trompette leur gloire en direction des visiteurs.

Il s'agit également d'un ciel mystique, nous sommes après tout dans un palais abbatial... Les dieux sont enchaînés par un pouvoir supérieur figuré par une main sortie d'un nuage, le Dieu des chrétiens. On remarque que le Soleil, au centre de la composition et tenant le sceptre du pouvoir, a les yeux tournés vers le haut, comme s'il reconnaissait un pouvoir supérieur, tandis que le roi des dieux antiques, Jupiter, est perdu à l'arrière-plan. Il porte une couronne royale (à rayons), la couronne impériale étant celle de Dieu dans la symbolique chrétienne, car il n'y a (en théorie !) qu'un seul empereur et de nombreux rois qui lui sont hiérarchiquement inférieurs. Ses foudres, symbole de son redoutable pouvoir, sont tenues de sa main gauche baissée, à l'inverse des représentations antiques où ils sont brandis de la main droite. L'enchaînement des planètes signifie aussi qu'elles n'ont plus d'influence sur la destinée des hommes, totalement régie par la Providence divine : l'astrologie, quoique très pratiquée, est mal vue de la doctrine chrétienne.

Il s'agit enfin, et plus curieusement d'un
ciel scientifique, sensible aux théories héliocentriques ! Le soleil est en effet au centre des sept planètes, qui gravitent autour de lui. Cela rompt quelque peu l'ordre traditionnel des planètes (Mars devrait prendre place après le soleil et la lune est reliée ici à Jupiter), mais montre bien la précellence du ciel mystique sur les autres ciels.

Füßen