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La pudeur médicale

Public concerné (formation professionnele - médecins - infirmiers - aides-soignants...). Durée : 45 min. à 1h 30 (possiblité de développer plus ou moins l'une des parties). Projections possibles (souhaitables)

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Examen
          Médecine et pudeur ont de tout temps été associées, et en particulier pour tout ce qui concerne la sexualité féminine. Les questions qui se posent concernent aussi bien le patient (qui montre) que le soignant (qui observe) : trop souvent, on oublie que la pudeur est double, et que la gêne du spectateur peut inférer sur celle de celui qui est observé. La pudeur concerne d’abord le corps, principalement (et pas seulement) les parties sexuelles, mais peut aussi concerner le discours (faire état), et les idées, les choses d’ordre sexuel. On oublie trop souvent aussi qu’un objet abandonné — spéculum ou sous-vêtement — peut éveiller des images gênantes. Car la pudeur n’est pas liée à la nudité ou la sexualité en soi, mais à leur prise de conscience. Certaines situations tolèrent sans problème la nudité, mais lorsque l’on en prend conscience naît un réflexe de pudeur. On ne se rend pas suffisamment compte que honte et impudeur ont une origine commune, la pudeur. Deux réactions opposées (se cacher ou s’exhiber crânement) peuvent témoigner d’une même pudeur, d’une même gêne.

          Comment le milieu médical a-t-il pris en compte ces différentes formes de pudeur ? Dès l’antiquité, et pour des raisons de pudeur, les sages-femmes ont dû mettre un doigt de féminité là où le médecin n’ose avancer la main. Ne pensons pas que cela se réduise à un rapport entre sexes masculin et féminin : la pudeur existe également entre femmes. La tradition chrétienne, qui ne conçoit le corps humain que déchu après le péché originel, ne pouvait qu’accroître cette réticence. La Renaissance, dont on croit qu’elle a réhabilité la chair innocente, a connu une vague de pudeur médicale sans précédent, dans les mots, dans les images, dans les situations : en particulier, c’est dans la médecine qu’apparaît le plus clairement la pudeur masculine. C’est surtout le XIXe siècle qui a cru libérer le corps de toute pudeur en inventant l’axiome Naturalia non turpia (il n’y a pas de honte dans ce qui est naturel). Mais les patients ressentent douloureusement cette indifférence à leur propre pudeur : les rapports entre patient et soignant se compliquent. La pudeur devient parfois un handicap à la guérison. Un intermédiaire devient souvent nécessaire, et il est d’abord féminin (infirmières, aides-soignantes, sages-femmes…) « On ne peut demander aux chefs de service, préoccupés de questions scientifiques, absorbés par la marche inquiétante de certaines affections, de réfléchir à ces détails », note une infirmière en 1907. Aux infirmières donc de « trouver des moyens pour diminuer autant que possible la violence faite aux sentiments de pudeur inhérents à toutes les femmes, si corrompues qu’elles puissent être. »

          Dans la seconde moitié du XXe siècle, une autre forme de pudeur, fondée sur le respect de l’intimité, se répand de plus en plus dans le discours, en particulier féminin. D’autres questionnements se sont mis en place, du fait de la confrontation entre générations et entre cultures. Les développements de la gériatrie, les règles de pudeur différentes dans les cultures musulmane, asiatique, africaine, anglo-saxonne… obligent à s’adapter. La législation française s’y adapte également, en particulier avec la charte de la personne hospitalisée en 2006. C’est le défi de nos sociétés, qui ont bien dû constater que les critères de la honte n’étaient pas universels, et que l’intimité n’avait pas les mêmes critères pour tous, de réinventer une pudeur qui respecte les consciences et les sentiments de chacun.


Bas-relief romain

« Que la sage femme se garde de fixer avec insistance ses regards sur les parties génitales de la femme en couches, afin que par pudeur celle-ci ne contracte pas son corps »(Soranos)

Écorché

L'écorché n'a plus besoin de voile...
Statuette

Une société multiculturelle doit s'adapter aux pudeurs de chacun :
une Chinoise ne montre pas ses pieds, même sur une statuette de diagnostic...